jeudi 14 avril 2016

Cardinal Burke affirme que l'Exhortation est un document « personnel » du Pape...sans plus

Réactions à la déclaration du Cardinal Burke

Pas si vite... Cardinal !

Préambule : contexte général donné par le Pape lui-même

Pertinent à la valeur officielle ou magistérielle de l'Exhortation de François est le discours historique de François sur la « décentralisation » qu'il a prononcé le 17 octobre de l'année dernière. Au cours de ce discours qu'il adressa aux Pères synodaux, François avait précisé qu’à la fin du processus synodal, il avait l'intention de se prononcer avec autorité : « Le processus synodal aboutit à l'écoute de l'Évêque de Rome, qui est appelé à se prononcer comme « pasteur et enseignant de tous les Chrétiens » ne se reposant pas sur ses convictions personnelles, mais comme un témoin suprême du « totius fides Ecclesiae » (toute la foi de l'Église), du garant de l'obéissance et la conformité de l'Église à la Volonté de Dieu, à l'Évangile du Christ et à la Tradition de l'Église ».

RIEN dans Amoris Laetitia reprend ou annule cette déclaration d'intention. Maintenant, le fait que François ait l’intention de se prononcer avec autorité sur les sujets de discussion traités par le synode ne rend pas en soi sa déclaration automatiquement « Magistrale », mais cela signifie aussi qu'il est hautement improbable que ce long document ait été écrit d'une manière telle qu'il peut être rejeté comme étant une simple expression de l'opinion du Pape.



Trois minuscules notes sur Amoris Laetitia

1. Une exhortation apostolique n’est pas, par sa nature même, un document non-magistériel. C’est le contenu d'un document papal qui révèle sa pertinence magistrale et non son nom ou sa catégorie — personne ne doute que Familiaris Consortio, l'exhortation de Jean-Paul II sur son synode sur la famille, ait été extrêmement utile à faire le tri des points importants du Magistère. Amoris Laetitia lui-même ne dit pas qu'il ne soit pas lui-même magistral : ce qu'il dit, dans son paragraphe hautement explosif #3, est que le Magistère n'a pas besoin d'être invoqué ou de subir une intervention pour trancher toutes les questions Catholiques. D'autre part, ce même paragraphe ouvre la boîte de Pandore à la décentralisation du Magistère, la création d'une force centrifuge qui peut ruiner l'unité doctrinale Catholique.

2. Dire qu’Amoris Laetitia n’est pas un gros problème et non magistralement pertinent n’est tout simplement pas vrai. Le Pape actuel et ses successeurs n’agiront pas comme s'il n'y avait pas de pertinence magistérielle et les Évêques sur le terrain vont certainement l’invoquer dans leurs propres déclarations du Magistère. Amoris Laetitia aura certainement sa place dans les futures éditions du Denzinger et dans toute révision future du Catéchisme de l'Église Catholique.

3. François, avec certains de ses documents précédents, mais en particulier avec Amoris Laetitia, introduit une sorte de « principe d'incertitude » dans la Doctrine et dans l'herméneutique Catholique sur la morale, le mariage et la vie de famille et cela, en soi, est magistralement pertinent.



L’article suivant a été écrit
exclusivement pour Rorate Caeli
par un sage — et très informé — saint prêtre
qui se sentait obligé de parler :
Le Père Ignotus


Le contenu de Amoris Laetitia —et son approbation — par suite d'omissions et d’un langage codé, au sujet des Sacrements pour les divorcés remariés est venu, je suppose, sans surprise pour aucun de nous. Au cours des trois dernières années, François a annoncé à plusieurs reprises sa détermination à trouver un moyen pour ce changement radical, donc nous avons tous été conditionnés à attendre le bruit de l'explosion quand c’est finalement arrivé.

Et les réactions critiques ne viennent pas non plus comme une surprise. Des écrivains comme ceux ayant publié des articles immédiatement après sa publication sur Rorate (de Mattei, Socci, Confitebor) ont dénoncé le distinction bidon entre la doctrine et la pastorale moderniste dans le document en tant qu’arnaque.

Ce qui a causé la surprise, cependant, fut le commentaire du Cardinal Raymond Burke sur Amoris Laetitia paru dans le National Catholic Register. Compte tenu du langage fort que le bon et estimé Cardinal avait précédemment utilisé pour mettre en garde contre un changement dans l'enseignement et la pratique de l’Église sur les Sacrements pour les divorcés remariés, nous nous attendions tous qu'il fasse une charge contre le document comme un Leo Rugiens (lion rugissant).

Au lieu de cela, la réaction publique du Cardinal s’est avérée être tout autre chose.

L'Exhortation apostolique, dit-il, « n’est pas un acte du Magistère » mais c’est plutôt « une réflexion du Saint-Père » sur les travaux du Synode. Le thème que le Cardinal a développé avec une certaine longueur et la conclusion qu'il entendait que les lecteurs en tirent est que le document « ne compte pas » comme véritable enseignement (Magistère) qui imposerait une obligation d’acquiescement de la part des Catholiques.

Rorate Caeli a immédiatement publié trois courtes mais judicieuses observations intitulées « Trois minuscules notes sur Amoris Laetitia » (voir plus haut) soulignant qu'une telle avancée est logiquement indéfendable et que de « dire qu’Amoris Laetitia n’est pas un gros problème et qu’il est non Magistralement pertinent n’est tout simplement pas vrai ».

À ces trois points, je voudrais ajouter ce qui suit :

(1) À tout le moins, la forme de Amoris Laetitia est celle d'une « Lettre pontificale » dans laquelle :

« ... Le Souverain Pontife explique la Doctrine Catholique, donne des instructions et où dans lesquelles, en tant que Père, Maître et Docteur, il exhorte, admoneste, condamne et exprime des félicitations, des bienveillances et cetera. À la fin, il est ajouté la clause 'Datum Romae apud S. Petrum' ainsi que la date ». (Cicognani, Droit Canon, p.84)

De toute évidence, c’est exactement ce que Amoris Laetitiae prétend faire — d’expliquer la doctrine, d’instruire, d’exhorter, d’admonester — et le document inclut même la formule de clôture finale. C’est un document officiel délivré par le Saint-Siège et de toute évidence destiné à enseigner. Ça ne fait pas de sens pour le Cardinal Burke de dire qu'il est « non-Magistériel » ou que c’est simplement un document « personnel ».

(2) Le commentaire du Cardinal, malheureusement, brouille également les distinctions traditionnelles appliquées à l'expression « Magistère ».

En général, « Magistère » signifie simplement « la fonction d'instruire les autres ». En ce qui concerne l'Église, son Magistère d'enseignement (= docens) vise à transmettre les connaissances de la saine Doctrine et des bonnes mœurs à tous les fidèles.

Maintenant, dans l'esprit de la plupart des Catholiques, le mot Magistère est automatiquement lié à la parole infaillible comme dans quelque chose comme : « Le Magistère du Pape est infaillible quand il émet une définition ex Cathedra de la foi ou de la morale ». La perception populaire, cependant, est que, si un enseignement papal ne répond pas à la norme ex Cathedra, il n'y a aucune obligation de croire ou de se soumettre à l'enseignement.

Mais cette idée est complètement fausse, du moins selon les théologiens pré-Vatican II car, en plus du Magistère infaillible, un Catholique est également liée par ce qu'on appelle le « Magistère authentique ». C’est la façon dont le Pape enseigne généralement la Doctrine Catholique et les principes moraux.

Le « Magistère authentique » est expliqué de cette façon :

Un Pape a le « pouvoir et la fonction d'enseigner la doctrine » et, en tant que Catholique, vous avez « l'obligation et le droit de recevoir l'enseignement ». L'enseignement d'un Pape est authentique au sens strict « à cause de la délégation de l'autorité de Dieu que l'enseignant utilise ». Vous êtes donc « liés à lui donner l’assentiment de votre intelligence » parce que son autorité d'enseignement est fondée sur sa « mission reçue de Dieu, à laquelle est attachée une assistance divine ». (Salaverri, De Ecclesia 1 : 503ff)

Donc, par la présente norme, on ne pouvait guère rejeter Amoris Laetitia comme « non-Magistériel » ou refuser « de lui donner l’assentiment de notre intelligence ».

(3) Et, en effet, François lui-même a déclaré que ses déclarations publiques, y compris ses exhortations apostoliques, sont du « Magistère ». En janvier 2015, il a déclaré :

« Quelqu'un m’a dit une fois : « Bien sûr, bien sûr. Le discernement est si bon pour nous mais nous avons besoin des choses beaucoup plus claires ». Et il lui a répondu : « Écoute, j'ai écrit une encyclique – il est vrai qu’elle fut écrite à quatre mains [avec Benoît XVI] — et j’ai écrit une exhortation apostolique. Je suis constamment à faire des déclarations, donnant des homélies. Voilà pour le Magistère. Voilà ce que je pense, pas ce que les médias disent que je pense. Vérifies-le ; c’est très clair ».

Donc, quel que soit les autres questions épineuses que l'Exhortation apostolique Amoris Laetitia peut soulever, une chose est au moins claire : il a en effet été conçu comme un authentique Magistère pontifical auquel les Catholiques normalement seraient tenus de donner l’assentiment de leur intelligence.

Un « document catastrophique » en effet.

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