mardi 19 janvier 2016

Shea vs. Ferrara : Alors, qui a gagné le débat ?

Contexte de cet article

Le débat du mois sur la foi
Vue d’un côté de la lorgnette

Un petit regroupement de fidèles Catholiques organise une fois par mois un débat sur la foi Catholique au sous-sol de l’église St Augustin à St-Paul Sud, Minnesota, USA. Le regroupement s’est donné un nom très recherché : « L’Argument du mois » ! (AOTM : Argument of The Month ).

Les opposants de ce 12 janvier dernier étaient Christopher Ferrara, avocat de profession, et fréquent rédacteur dans les sites Fatima Center ( Centre de Fatima ) et The Remnant (Le Petit Reste ). C’est tout vous dire qu’il est un fidèle Catholique Traditionaliste.

Son vis-à-vis était monsieur Mark Shea, un converti doublement, plus ou moins élevé comme agnostique qui est devenu un Évangélique non confessionnel en 1979 et qui est entré dans l'Église Catholique en 1987. Il écrit régulièrement pour le Catholic World Report et a publié nombre de livres sur la religion Catholique. On peut décrire monsieur Shea comme un grand partisan de la religion Catholique post-conciliaire.

Ce débat, qui a réuni près de 500 participants, était attendu depuis longue date ; en effet, on y débattrait en toute sérénité les pour et les contre du Modernisme versus le Traditionalisme.

Le débat n’est pas encore disponible sur Internet malheureusement. L’article qui suit est le commentaire d’un des pugilistes après le débat, monsieur Ferrara. Vous constaterez qu’il ne crie pas victoire, rien de tout cela. Mais la valeur des arguments qu’il nous présente valait la peine de le publier. Les participants à ce math y donnent leurs commentaires.

Bonne lecture.



Shea vs. Ferrara : Alors, qui a gagné le débat ?

Écrit par Christopher A. Ferrara
SOURCE : The Remnant

Donc mon « combat en cage » avec Mark Shea est terminé. Quant à la question inévitable « Qui a gagné ? », il n'y a rien de plus disgracieux qu’un débatteur qui publie un article post-débat sur « Comment j’ai gagné le débat avec monsieur X » ou qui cite des gens qui lui racontent à quel point il a gagné la discussion avec monsieur X .

Je vais laisser les gens du public décider qui avait le meilleur des arguments, avec ceux qui regarderont la vidéo ou l’audio quand ils seront publiés sur le site Argument du mois (ATOM) ou sur le site Remnant. Vous pouvez également consulter le site Remnant et les pages Facebook pour connaître les réactions sur la façon dont la soirée s’est passée.

Il y a, cependant, un gagnant incontestable de ce débat : c’est l’AOTM. Je ne pense pas qu'il y ait un lieu catholique dans le monde où, avec peu ou pas de promotion, plus de 400 catholiques locaux apparaissent chaque mois pour s'asseoir dans la salle d'un sous-sol d'église pour écouter des débats sur les questions relatives à la foi. Quel est le motif ?

Je ne pense pas que c’est la bière, le vin et les plats copieux qui font partie des procédures. On peut s’en procurer n'importe où sans sacrifier une soirée de loisir en semaine. Ces foules de personnes viennent parce qu'elles se soucient profondément de l'état de l'Église et elles veulent donner un sens à une situation de plus en plus bizarre et effrayante. Ils veulent savoir pourquoi par exemple — comme un participant a demandé au cours de la période de questions — qu’un directeur d'une école catholique dans la région de Minneapolis-Saint Paul s’est rétracté et s’est excusé après avoir défendu un curé qui avait osé parler contre le « mariage gay ». Ils veulent savoir pourquoi les écoles catholiques n’enseignent pas la foi catholique mais plutôt la minent, pourquoi la liturgie est une plaisanterie, pourquoi le sacerdoce a été féminisé et pourquoi même les Protestants reconnaissent eux-mêmes que l'Église semble être « devenue libérale ». Il ne suffit pas de dire : « Eh bien, l'Église a toujours été en crise » et en rester là, car cela est une invitation au quiétisme ( note : quiétisme = attitude ou état d'indifférence, de passivité, d'inaction ) et au silence à propos de l'échec des bergers à conduire les brebis, qui ont massivement erré loin des doctrines de la Foi même si elles continuent à s’assoir sur les bancs des paroisses libéralisées où la rectitude politique l'emporte sur le Magistère presque partout dans le monde Catholique. Il n'y a jamais eu une crise ecclésiale de ce genre. Comment est-ce arrivé ? Le défunt et grand Dietrich von Hildebrand a fourni la réponse peu de temps après la tant vantée sans fin mais désastreuse « ouverture sur le monde » du Concile Vatican II, « le poison de notre époque suinte lentement dans l'Église Elle-même et beaucoup ont échoué à reconnaître le déclin apocalyptique de notre temps ».

Aujourd'hui, nous assistons à ce que Jean-Paul II a admis en 2003 que ce n’est rien de moins que l’« apostasie silencieuse » dans l'ensemble de la Chrétienté ancienne. Cet aveu étonnant est directement lié à l'admission plus tôt du Pape, dans son livre « Franchir le seuil de l'espoir », que compte tenu de la nouvelle « vision cosmique » du Concile sur le salut, l'accent traditionnel porté sur l’âme individuelle et sur son jugement particulier est perdu, les Quatre Fins Dernières [ Mort, Jugement, Ciel et Enfer ] ont été oubliées et « on ne parle plus de ces choses dans l'évangélisation » et, tout simplement, les hommes d'Église « ont perdu le courage de prêcher la menace de l'enfer » — une situation dont Jean-Paul II lui-même a fait peu au-delà d’admettre son existence.

Le fait qu'il ne peut y avoir aucune évangélisation digne de ce nom sans référence à la Mort, au Jugement, au Ciel et à l'Enfer est ce qui a conduit à la proposition que j’ai débattue avec Shea : « L'Église catholique moderne a abandonné effectivement son Grand Mandat ». La raison même de ce Grand Mandat est de faire des convertis afin de sauver les âmes de l'enfer en leur faisant faire la translation de leur état déchu vers l'état de grâce sanctifiante : « Celui qui croit et est baptisé sera sauvé ; celui qui ne croit pas sera condamné ». Pratiquement personne dans la hiérarchie post-conciliaire laisse entendre même l'urgence absolue de cet avertissement divin à ceux en dehors de l'Église ou même à ceux à l’intérieur de ses limites visibles qui défient ses enseignements les plus fondamentaux sur la foi et la morale.

Assez pertinemment alors, la discussion a été introduite par quelque chose qui ne pouvait pas être plus parfaitement emblématique de la défection généralisée de la hiérarchie de son devoir évangélique : la vidéo déjà infâme, digne de faire grincer des dents qui transmet l’intention de prière « universelle » du Pape François pour le mois de janvier : « le dialogue interreligieux ». ( Quoi d’autre ? ) Un bouddhiste, un Musulman, un Juif et un Prêtre Catholique récitent chacun l'objet de leur culte et déclarent solennellement : « Je crois en l'amour », puis présentent leurs symboles respectifs religieux les uns à côté des autres dans un montage présumé d'harmonie entre des croyances irréconciliables dont une seule est la voie du salut : « La Voie Royale de la Croix ».

Quant à la Croix, le seul symbole Catholique affiché dans la vidéo est l’Enfant Jésus en plastique retiré de la crèche et de la Sainte Famille.

Évidement, les auteurs de cette parodie de ce que Vatican II a même appelé « la seule vraie religion » et « l'unique Église du Christ » ont eu peur d'afficher le symbole le plus important de la seule vraie religion : le Christ Crucifié. Ainsi le Pape François lit un script qui cache même sa version d'une croix pectorale ( sur laquelle il n’y a pas le Corps du Christ mais c’est seulement un jeune berger avec un kilt à la hauteur du genou ). Lisant à partir de ce script, François déclare que « la plupart des habitants de la planète se déclarent eux-mêmes croyants » et que « beaucoup pensent différemment, sentent différemment » mais « cherchent Dieu ou Sa rencontre de différentes manières ... ». Le Vicaire du Christ, en omettant de mentionner le Christ même en passant, conclut : « Il y a une seule certitude que nous avons tous : nous sommes tous des enfants de Dieu ».

En fait, non nous ne le sommes pas tous. Nous devenons enfants de Dieu uniquement en vertu du Baptême, qui libère l’homme déchu de la domination du diable comme les prières d'exorcisme du rite baptismal traditionnel le font clairement. En effet, suivant le modèle d'auto-contradiction qui a apparemment caractérisé toute sa carrière ecclésiastique, quatre jours après la vidéo où il est apparu, François lui-même a déclaré que le Baptême nous rend enfants de Dieu. Pourtant encore une fois, François dit ce qui semble requis par les besoins rhétoriques du moment.

On pouvait s'y attendre, les premiers intervenants néo-catholiques se sont précipités vers la scène de la dernière catastrophe avec Jimmy Akin pour éplucher l’Ancien Testament sur des références de Dieu le Père et des « fils du Seigneur » sous l'Ancienne Alliance comme si rien n'a changé depuis l'Incarnation et l'institution de la Nouvelle Alliance.

Tout comme la vidéo présentée graphiquement pour le public, la majorité des ecclésiastiques de post-Vatican II, dirigés par les Papes conciliaires — car cette évolution n’a pas à peine commencé avec François — ont pratiquement remplacé l'Evangile de Matthieu, Marc, Luc et Jean avec l'évangile de Jean Paul, George et Ringo. Tout ce que vous avez besoin, c’est l’amour (note : re : chanson All You Need is Love des Beatles ) Mais l'amour de quoi ? L’amour de tout ce que vous aimez en autant que vous êtes sincère pour l'aimer ? Comme François avait dit dans son interview tout aussi infâme avec son ami athée célèbre Eugenio Scalfari (publié sous forme de livre par la maison d'édition du Vatican) : « Tout le monde a sa propre notion du bien et du mal et doit choisir de suivre le bien et combattre le mal tels qu’il les conçoit. Ce serait suffisant pour faire du monde un meilleur endroit ». En fait, non ça ne le serait pas. Car, en notre temps, le monde est précisément contrôlé par des hommes qui « appellent le mal bien et le bien mal ». (Esaïe 05 :20)

En fin de compte, ce « combat en cage » n’était pas vraiment un échange entre Mark Shea et moi. Au contraire, c’était à propos de réveiller les personnes à la réalité qu'à l'époque post-conciliaire de « l'œcuménisme », du « dialogue » et du « dialogue interreligieux », l'établissement ecclésiastique a réduit au silence l'avertissement de Dieu Lui-même sur les conséquences éternelles de rejeter le Christ et son Église. Au lieu de cela, la grande majorité des hiérarques, partant du Pape allant vers le bas, ont accepté dans la pratique ce que le Pape Grégoire XVI, dans son encyclique Mirari Vos (1832), a condamné comme une « opinion perverse » qui était déjà « répandue de tous côtés par la fraude des méchants » : à savoir « qu'il est possible d'obtenir le salut éternel de l'âme par la profession de toute forme de religion aussi longtemps que la morale est maintenue ».

Pire, les ecclésiastiques contemporains ont accepté dans la pratique que, même sans la morale, la personne « sincère » qui suit sa conscience mal formée peut être sauvée et que le fait d’affirmer le contraire est du « rigorisme ». « Les notions de cette sorte », écrit le futur Pape Benoît XVI, « ont visiblement paralysé la disposition à évangéliser ». Ils l’ont certainement paralysé en effet. Et c’est ce qui a été mon thème au cours du débat.

Cette nouvelle attitude dans l'Église résulte de ce que le Cardinal Ratzinger a appelé une « aversion quasi traumatisante que plusieurs ont vis-à-vis leur conception du Catholicisme « pré-conciliaire » ... » Voilà ce que les Traditionalistes ont dit tout le long. Selon la nouvelle mentalité, Ratzinger a dit :

« La conscience erronée, qui rend la vie plus facile et marque un parcours plus humain, serait alors une véritable grâce et serait la voie normale vers le salut. Le mensonge, en gardant la vérité à distance, serait mieux pour l'homme que la vérité. Ce ne serait pas la vérité qui le libérerait mais plutôt il devrait être libéré de la vérité. L'homme serait plus à l'aise dans les ténèbres que dans la lumière. La foi ne serait pas le bon Don de la part du bon Dieu mais plutôt une affliction.

La propagation de ce point de vue, Ratzinger a conclu qu’elle « pouvait juste être fatale à la foi. » Il en est ainsi dans à plusieurs endroits de l'Église d'aujourd'hui, là où les gens qui s’appellent eux-mêmes Catholiques pensent et font tout ce qui leur plaît au mépris de l'enseignement de l'Église. Et les clôtures sans fin que François posent contre les imaginaires « rigoristes » et « docteurs de la loi » qui manquent de « miséricorde » n'ont fait qu'empirer la situation.

Dans Mirari Vos, Grégoire XVI ordonna aux Évêques de son temps de chasser de l'Église « l'erreur mortelle » que tous les « croyants » sont sur la voie du salut et de rappeler aux fidèles que « sans aucun doute, ils périront à jamais à moins qu’ils ne retiennent la foi catholique entière et inviolable ... » Qui dans la hiérarchie d’aujourd'hui expulse cette erreur mortelle contrairement à encourager la poursuite de sa propagation à travers des manifestations « œcuméniques » et « interreligieuses » épouvantables comme cette vidéo ?

Quant à la notion populaire d’« œcuménisme » actuellement promu par François lui-même, où le Baptême à lui seul fait qu'on devient membre de l'Église, Grégoire a réitéré l'enseignement constant contraire de l'Église : « Un schismatique se flatte faussement s’il affirme que, lui aussi, a été lavé par les eaux de la régénération. En effet Augustin répondait à un tel homme : « La branche a la même forme quand elle a été coupée de la vigne ; mais pour quel profit est cette forme si elle ne vit pas de la racine ? » Il semblerait que presque personne dans la hiérarchie n’est prêt à défendre cette vérité aujourd'hui. Les seuls schismatiques de gauche dans le monde sont les Catholiques « Traditionalistes radicaux » et l'enfer leur est apparemment réservé uniquement à eux, aux Mafioso, aux marchands d'armes et à d'autres cibles d'anathème politiquement acceptables.

Alors, qui a gagné le débat ? J'espère que c’est la Foi qui a gagné le débat et que cet événement a contribué de quelque façon à une meilleure compréhension de la raison de la paralysie évangélique sans précédent de la hiérarchie actuelle qui se manifeste, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église. La paralysie de l'évangélisation post-conciliaire admise par le Cardinal Ratzinger ne prendra fin que lorsque les bergers de l'Église, y compris le pasteur universel, retrouveront le courage de parler sans crainte à nouveau sur la nécessité d'une seule véritable Église et d’une seule vraie religion pour le salut des âmes. D’ici là, en autant que presque tous nos hiérarques sont concernés, le Grand Mandat est en mode de survie respiratoire.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire