samedi 10 mars 2018

Sur la contraception
Maintenant même Wojtyla [Jean-Paul II] est « rigide » et « doctrinaire »



Rédigé par : Renzo Puccetti
SOURCE : One Peter Five
Le 8 mars 2018

Publié à l'origine à La Nuova Bussola Quotidiania. Traduit par Giuseppe Pellegrino

La publication d'un livre sur l'Encyclique Humanae Vitae, qui documente l'aide influente de l'Archevêque de Cracovie de l'époque [Wojtyla — Jean-Paul II ], est devenue l'occasion pour le journal de la Conférence des Évêques Italiens «Avvenire » de renouveler une attaque contre l'Encyclique publiée il y a 50 ans. Son objectif : contourner l'interdiction de la contraception. La stratégie consiste à diviser le Bienheureux Paul VI ( bon et flexible ) de Saint Jean-Paul II ( rigide et doctrinaire ).

In cauda venenum [ dans la queue est un poison ]. C'est ce que vous dites quand la fin d'un discours révèle sa nature polémique jusqu'alors cachée. Je fais référence à la critique de Luciano Moia, parue le 4 mars 2018 dans le journal Avvenire, portant sur le livre du théologien, le Père Polonais Pavel Stanislaw Galuska publié par Cantagalli intitulé « Karol Wojtyla et Humanae Vitae — La contribution de l'Archevêque de Cracovie et d'un groupe de théologiens Polonais à l'Encyclique de Paul VI ».

Le rédacteur en chef d'Avvenire se concentre sur quelques lignes de ce texte de 550 pages, qui décrivent entre autres une lettre envoyée par l'Archevêque de Cracovie Karol Wojtyla au Pape Paul VI dans laquelle il est suggéré que le soi-disant « le magistère parallèle » des Évêques rebelles se trouve fortement confronté. Ces Évêques, au moyen de documents pastoraux, finirent par vider Humanae Vitae de son contenu et saper l'unité de la Foi sur un point décisif pour la vie morale des fidèles. J'ai été très consolé par le fait que la description de la réaction des différents Épiscopats à l'Encyclique de Paul VI a été tirée de mon livre : « I veleni della contraccezione » ( Edizioni Studio Domenicano ), et ça coïncide avec ce qui ressort du travail du futur Pape Polonais. Dans mon texte, je parlais du magistère parallèle comme d'un « magistère inverse » et donc d'un magistère vraiment et réellement « pervers », mais pour le cher Monsieur Moia, la langue de serpent des Évêques rebelles dénotait du « respect, de l’accompagnement et de la compréhension ».

En réalité, en présentant les déclarations de plus de 40 Conférences Épiscopales comme des « déclarations et des documents d’application diversement critiques », Moia crée une représentation déformée, laissant entendre au lecteur que tous les Évêques du monde étaient d'accord dans leur critique de Humanae Vitae. Certes, il y eut des déclarations des Épiscopats d'Autriche, d'Allemagne, de Hollande, de Belgique, de France et du Canada, pour lesquels l'activisme de l'Évêque [ Canadien ] Remi de Roo fut déterminant ( il fut rappelé par le Cardinal Ratzinger pour son soutien à l'ordination de femmes, en 2000, il a reçu l'ordre de s'excuser publiquement pour des dépenses non approuvées par le Vatican, ce qui a créé un déficit de 12 millions de dollars dans son diocèse ).

Le 27 mars 2008, parlant à Jérusalem au mouvement « Le Chemin néocatéchuménal », en référence aux déclarations des Conférences Épiscopales d'Autriche et d'Allemagne [ sur Humanae Vitae ], le Cardinal Christoph Schönborn de Vienne, que le Pape François a qualifié de grand théologien et du meilleur interprète d'Amoris Laetitia disait : « Nous devons nous repentir de ce péché de l'Épiscopat Européen qui n'a pas eu le courage de Paul VI, car aujourd'hui nous portons le poids des conséquences de ce péché ».

En dehors du « respect, de l'accompagnement et de la compréhension » dont Moia parle, il ne dit rien de la fidélité des déclarations des Conférences Épiscopales d'Italie, d'Angleterre et des États-Unis ; cette dernière a été décrite par l'ancien diplomate Kenneth D. Whitehead comme « l'une des affirmations épiscopales contre-culturelles les plus fortes de Humane Vitae ». À la fin, Wojtyla avait raison : l'argument présentant la contraception comme étant laissé à la conscience des couples mariés, pris dans un soi-disant « conflit de devoir » entre leurs obligations humaines et leurs obligations Chrétiennes, qui a été inventé par l'Évêque Néerlandais Willem Bekkers en 1963, ont imprégné les déclarations des différents Épiscopats dissidents.

De tels arguments ont été réfutés à maintes reprises par le Magistère, mais maintenant ils ont ré-émergé aujourd'hui, comme des zombies théologiques, pour justifier le besoin de relations sexuelles entre les personnes divorcées et les personnes autres que leurs époux. Mais s’ils n'étaient pas valables alors, on ne voit pas pourquoi de tels arguments devraient être valables maintenant, quand toutes les preuves empiriques accumulées, la réflexion théologique et les déclarations magistérielles [ dans les cinquante ans depuis Humanae Vitae ] attestent de leur invalidité.

Où Moia veut aller avec son argument devient clair à la fin de son article, quand il écrit : « Quelle a été la réaction de Montini [ Pape Paul VI ] à cette proposition ? Nous ne le savons pas. Mais nous savons que, dans les dix années suivantes de sa vie, il n'a parlé que quatre fois de plus sur Humanae Vitae. Et non seulement il n'a jamais manifesté aucune intention de resserrer son application mais, dans ses discours officiels et ses interventions, il n'a jamais fait aucune référence aux méthodes naturelles de régulation de la fertilité ».

Quelle pertinence le silence présumé de Paul VI devrait-il avoir sinon son désir de ne pas exacerber davantage un choc déjà au bord du schisme ? En réalité, le silence du Pape était aussi utilisé à l'époque comme argument selon lequel l'enseignement de l'Église sur la contraception était douteux et, comme on dit, dans la « dubiis libertas » [ liberté dans les choses douteuses ]. Dans ces mêmes années, l'Évêque régressif Josef Reuss de Mayence a donné une directive aux prêtres de son diocèse dans laquelle il leur a ordonné de décharger les couples de l'obligation de s'abstenir de contraception en raison de la situation existante à savoir que la Doctrine était en doute. C'était aussi la ligne d'argumentation suivie par les théologiens Richard McCormick et Bernard Häring.

Le Pape Paul VI était bien conscient du problème ; il a dit au Père John C. Ford, S.J., qui était son conseiller : « Celui qui garde le silence consent ; si l'Église ne l'interdit pas, elle acquiesce et la Doctrine devient probable », et si quelque chose est probable, elle n'oblige pas.

Mais la Doctrine n'était pas en doute. Il y avait des déclarations claires et propres du Magistère précédent, il y avait des déclarations de Pie IX, Pie XII, Jean XXIII, il y avait des siècles et des siècles de Tradition, il y avait la voix des Docteurs de l'Église et de ses Saints. Cependant, pour réduire encore plus la marge, Paul VI lui-même, s'adressant aux participants du 52e congrès de la Société Italienne des Gynécologues et Obstétriciens, le 26 octobre 1966, avait déclaré : « La pensée et la norme de l'Église n'ont pas changé ; elles sont celles qui sont en vigueur dans l'enseignement traditionnel de l'Église ». Si aujourd'hui quelqu'un veut attribuer intentionnellement une signification doctrinale de l'incertitude au silence de Paul VI après Humanae Vitae, ils entreprendraient une opération intellectuellement frauduleuse.

Le Pape avait la responsabilité de l'unité de l'Église, il était fidèle à la fonction d'enseignant et de défenseur de la Foi, il avait réaffirmé la vérité morale et il avait choisi de ne pas réprimander avec force le mensonge [ de la dissidence ]. Nous avons affaire à des choix extrêmement difficiles qui sont la prérogative de l’Office Pétrinien. Combien de fois cela est-il arrivé dans l'histoire ? On pourrait penser à la décision prise en 1588 par le Pape Sixte V d'imposer les sanctions canoniques et civiles d'homicide à ceux qui utilisaient des contraceptifs ou qui avortaient. Trois ans plus tard, hormis le cas d'un fœtus déjà formé, Grégoire XIV abrogea la Bulle de son prédécesseur, rendant à la contraception la nature d'un acte contre la chasteté [ plutôt qu’un meurtre ]. Nous pourrions également citer la position intransigeante de Saint Pie V sur la pratique de la prostitution dans la Ville de Rome et la contraster avec la position plus tolérante des autres Papes qui étaient aussi des saints.

D'un autre côté, c'était le même Bienheureux Paul VI qui critiquait sévèrement la permissivité et l'intransigeance du mal qui habite l'Église : « Nous étions peut-être trop faibles et imprudents dans cette attitude à laquelle l'école du Christianisme moderne nous invite : la reconnaissance du monde profane dans ses droits et ses valeurs [ ... ] Nous sommes allés au-delà dans notre conformisme envers la mentalité et les coutumes du monde profane » a-t-il déclaré lors de l'Audience Générale du 21 septembre 1973. Dès lors, immédiatement après la publication de Humanae Vitae, les théologiens de la dissidence ont abandonné l'argument de la dissidence pour brandir l'argument de la non-infaillibilité de l'Encyclique, argument que Moia ressuscite. Si Humanae Vitae n'est pas infaillible, alors elle est faillible, mais si elle est faillible elle n'est pas irréformable, et elle est donc réformable et devrait donc être réformée — c'est la ligne de pensée suivie.

Commentant la demande de Wojtyla pour une déclaration du Pape qui déclarerait Humanae Vitae « infaillible et irréformable », Moia écrit : « Est-il possible que Wojtyla ait ignoré que c'était le même Paul VI qui avait ordonné à Mgr. Ferdinando Lambruschini — Doyen de la Chaire de Théologie Morale de l'Université du Latran et ensuite Archevêque de Pérouse — pour expliquer dans la conférence de presse présentant l'Encyclique que le texte ne devait pas être considéré comme infaillible ou irréformable ? Évidemment non ». Il est gratifiant que Moia se soit découvert être un admirateur de Mgr. Lambruschini. S'il en est ainsi, il ne devrait pas avoir de difficulté à accepter aussi l'un de ses enseignements : « Aucun des exemples de la loi morale naturelle ne peut être sacrifié à une « pastorale » vague, qu'il prend en compte dans ses articles sur la moralité ( Père Lambruschini, Problemi della Humanae Vitae, Queriniana, Brescia 1968, 135 ). Il serait bon maintenant de préciser la nature exacte du caractère définitif de l'Encyclique et du matériel théologiquement controversé qu'elle contient, et aussi de confirmer si Paul VI lui-même a réellement ordonné à Mgr. Lambruschini une telle manière de dire ( personnellement je ne connais pas la source à partir de laquelle Moia obtient cette information ).

Le Père Ermenegildo Lio a écrit un essai scientifique puissant édité par Libreria Editrice Vaticana et approuvé par Jean Paul II dans lequel il démontre la présence des critères nécessaires [ dans Humanae Vitae ] pour le considérer comme un acte certain et définitif du Magistère. Si les centaines de pages de cette étude pourraient le décourager, Moia pourrait juste obtenir une copie de la revue Timone ce mois-ci, où il sera en mesure d'apprendre d'une manière synthétique de l'article du Père Carbone pourquoi Humanae Vitae est infaillible.

Mais admettre même que ces théologiens pourraient être dans l'erreur, ceci ne change pas une virgule du fait que les normes sur la contraception font partie du Magisterium définitif. Dans une intervention publiée dans L'Osservatore Romano, le 4 septembre 1968, le théologien Rosario Gagnebet écrivait : « Quand on invoque le caractère non infaillible de ce document pour nier la certitude de l'enseignement qu'il contient, il semble qu’on oublie qu'il y a beaucoup de certains enseignements dans la Doctrine Catholique qui tombent en dehors de ceux qui ont fait l'objet d'une proposition infaillible ». Et encore dans L'Osservatore Romano, le 5 janvier 1969, Karol Wojtyla écrit : « Il semble que, dans tous les arguments et les appels sur l'Encyclique, pleins de tension dramatique, les Paroles du Maître viennent à nous : « Par votre persévérance, vous sauverez vos âmes » ( Luc 21 :19 ). Parce qu'en fin de compte, c'est de cela dont nous parlons ». Est-ce que Luciano Moia pense vraiment que Gagnebet et Wojtyla auraient écrit ces déclarations en désobéissance et dans le dos de Paul VI ?

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