jeudi 16 juin 2016

N'ayez pas peur



Sermon pour le quatrième dimanche après la Pentecôte 2016

Par le Père Richard G. Cipolla
SOURCE : Rorate Caeli




« Mais quand Simon Pierre vit cela, il se mit à genoux devant Jésus
et dit : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ! »

Luc 5 : 8

Cet évangile semble simple. Jésus veut enseigner à la foule à partir d'une barque, Il voit que la barque de Simon est vide, Il lui demande de s’éloigner du bord et Il commence à parler à la foule. Quand il a terminé, il dit à Simon Pierre d’avancer la barque dans des eaux plus profondes pour avoir une bonne pêche. Simon explique qu'ils ont essayé toute la nuit sans succès. Ils sont fatigués et découragés. Mais Simon fait comme Jésus lui dit et non seulement ils attrapent beaucoup de poissons, mais il y a tellement de poissons que les barques chavirent presque. Le niveau allégorique jusqu'à présent peut sembler assez évident : la barque de Pierre est l'Église et, pour augmenter le nombre des disciples à Jésus-Christ, l'Église ne peut pas rester dans les eaux peu profondes mais elle doit aller dans le creux, faire confiance au Seigneur et il y aura une augmentation énorme des membres au Corps du Christ qui est l'Église.

Mais l'élément discordant dans cet évangile est la réaction de Pierre lors de la capture incroyable de poissons. Rappelez-vous que c’était la façon dont il gagnait sa vie. Et ce fut la plus grande des prises qu'il n’ait jamais connue. Supposons que vous soyez un courtier en obligations et, un matin, vous avez eu plus de transactions que vous n’avez jamais eues et vous faites un bénéfice énorme en seulement une heure. Quelle serait votre réaction ? Supposons que vous soyez un peintre en bâtiment et, un jour, vous avez reçu cinquante appels téléphoniques demandant vos services et tout le monde vous a offert un paiement pour vos services beaucoup plus élevé que ce que vous recevez habituellement. Supposons que vous soyez un agent immobilier et, après des mois sans ventes, en une seule heure, cinquante maisons que vous annonciez sont toutes vendues et à un prix considérablement élevé. Vous pigez le portrait ?

Et quelle serait votre réaction à cette manne financière incroyable ? La réponse est évidente. Ce ne serait pas la réaction de Simon Pierre : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ! » Pour la plupart d'entre nous, la réaction de Pierre est un non-sequitur, c’est-à-dire que cela n'a pas de sens pour nous. Il devrait être heureux, très heureux. Il aurait dû étreindre Jésus avec un large sourire sur son visage. Mais non. Sors de ma barque, je ne Te veux pas ici parce que je suis un homme pécheur, Ô Seigneur. Remarquez le « Seigneur ». Quelle est la signification de cette réaction ?

Ce qui est arrivé à Pierre en ce moment, c’est d'abord son intense conscience de la présence du divin dans cette pêche miraculeuse. Pour la première fois, il voit Jésus comme Seigneur, comme la présence d'une certaine façon qu’il ne pouvait pas décrire jusqu’alors du divin, de Dieu. Luc dit : « Pierre, comme tous ceux qui étaient avec lui, était en effet saisi de crainte, à cause de la grande quantité de poissons qu'ils avaient pris ». Luc, le maître de l'euphémisme (définition : atténuation dans l'expression de certaines idées. Ex : « il s’est éteint » au lieu de dire « il est mort» ) dans ses effets de style. Pierre attribue cette grande capture, cette manne, ce succès inattendu non pas aux forces du marché, ni à la chance ou au mérite personnel, intellectuel ou autre. Pierre sait immédiatement que ce qui est arrivé n'a rien à voir avec lui. Mais penseriez-vous, vous et moi, de cette façon ? Est-ce qu’on n’attribuerait pas pour la plupart d'entre nous cette manne au moins en partie à notre propre compétence, à notre propre travail acharné, à notre propre perspicacité dans les forces du marché ou quoi d’autre ? Nous réinterprèterions l'événement et nous nous réinterpréterions à la lumière de notre grand succès. Et ce serait très mauvais car ce serait une offense à la réalité, en particulier à la réalité sur nous-mêmes. Les Italiens disent : cose succedono : les choses arrivent. Mais quand de bonnes choses arrivent même si nous disons pieusement des choses comme « Merci, Seigneur », nous ronronnons de satisfaction sur notre propre triomphe. Ceci peut être vu dans cette attitude Calviniste — que Calvin l’aurait totalement approuvé ou non, on ne le sait pas — où le succès mondain est vu comme un signe de la faveur de Dieu, dont l'interprétation a grandement influencé le Christianisme Protestant dans ce pays. Apparemment, ceux qui sont tombés dans cette façon de penser n’ont jamais lu le livre de Job qui démolit une telle pensée ordinaire.

Mais, avec Pierre, c’est plus profond que cela car il a un éclair de perspicacité sur lui-même, à propos de qui il est vraiment, un flash qui expose son caractère pécheur à lui-même et il est consterné et effrayé, et il reconnaît en quelque sorte qu'il ne pourrait jamais expliquer que l'homme dans son bateau le voit tel qu'il est et que les deux d'entre eux peuvent ne pas être au même endroit, le pécheur ne peut pas être en présence de ce qui est saint. Peut-être que Pierre voit dans cet éclair de perspicacité où il se dirigera ainsi que la forme de sa croix, peut-être qu'il voit son reniement envers cet homme dans le bateau, tout étant dans un flash d'une nanoseconde. Sans ce moment de vérité sur soi-même, oublions Pierre, la vérité sur vous et moi sans ce moment de perspicacité intérieure dans ce que nous sommes vraiment, la barque ne va nulle part. Et Jésus comprend la réaction de Pierre, il comprend que Pierre a eu un moment de vérité sur la réalité de lui-même et que ça l'a secoué. Et quelle est la réponse de Jésus : « N'aie pas peur ; désormais, ce sont des hommes que tu prendras ». Plus de pêche dorénavant. Pas plus de mauvaises prises, ni de bonnes prises. Pas plus de vie ordinaire. Pour porter le message et la réalité de Jésus-Christ comme Seigneur et Sauveur du monde dans le monde : c’est le nouveau travail de Pierre et des autres. Et pour ce faire, ils doivent tout abandonner : « Ils ramenèrent alors leurs barques à terre et laissèrent tout pour suivre Jésus ». Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-il arrivé à la femme de Pierre ? À ses enfants, s'il en avait ? Ils ne sont pas disparus, sûrement. Mais ce n’est plus l'objectif principal de sa vie. Et pourtant, un homme marié a une obligation solennelle envers sa famille, d'être un mari et un père. Mais même cela est transcendé dans cette vocation qui exige tout de soi, le cœur, le corps, l'esprit, l'âme.

Mais revenons en arrière. Les premières paroles. Elles sont importantes pour Pierre et pour nous. N'aie pas peur. N'aie pas peur. Ces paroles que Saint Jean Paul II a dit quand il est apparu sur le balcon de Saint-Pierre après son élection à la papauté : ce sont ses premières paroles à la foule : non paura de abbi. Et Jésus avait à les dire à Pierre et aux autres disciples car Il sait ce que ça demande d’être son disciple dans le sens le plus profond. Il connaît trop bien l'opposition du monde, cette opposition qui Le crucifiera. Et pourtant, Il dit ces paroles face à la crucifixion de Pierre : n’aie pas peur. Il peut dire cela parce qu'Il est le Seigneur du monde qui comprend la terrible puissance du monde, l'opposition violente du monde à la Vérité et donc envers Lui, et Lui seul peut voir au-delà du reniement de Pierre envers Lui et au-delà de la crucifixion de Pierre le triomphe de la Résurrection qui est le début du triomphe sur le péché et la mort et la venue de Celui qui a dit, dit et dira : « Voyez, Je fais toutes choses nouvelles, Je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin ». Maranatha. Seigneur, viens vite.

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